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LE SCHOOL BULLYING

Le sentiment d’insécurité envahit les cours d’école. Jean-Pierre Bellon, professeur de philosophie, et Bertrand Gardette, conseiller principal d’éducation,* en dressent le constat au terme d’une enquête menée auprès de 3.000 collégiens. Un élève sur cinq élèves interrogés déclare éprouver ce sentiment-là au sein du collège et 10 % reconnaissent être régulièrement victimes de harcèlement.

Principal responsable ? Le « school bullying », une expression anglaise désignant notamment les moqueries, agressions et mesures d’ostracisme infligées de manière répétée aux élèves jusqu’à engendrer chez leurs victimes des traumatismes irréversibles.

Les outils du parfait harceleur sont souvent les mêmes : rumeur faisant croire qu’untel est une « balance » ou qu’une telle est une « chienne d’intello », brimades, coups de projectile, dégradations vestimentaires, auxquels s’ajoute l’arme du XXIe siècle : le cyberharcèlement via des blogs ou par SMS. L’agression commence souvent par une remarque apparemment bénigne, par exemple un surnom épinglant une fille ayant un grand nez ou un garçon à la coiffure hérissée. Mais, de « brosse à chiottes » à l’agression physique, il n’y a qu’un pas. La victime se transforme rapidement en boule de « flipper » dans les couloirs du collège et devient la cible d’un acharnement en escalade.

Or, bien souvent, par peur ou par honte, elle s’enferme dans le silence, et les spectateurs pratiquent l’inertie, voire l’indifférence. Comment enrayer cette violence à bas bruit qui touche tous les milieux et toutes les classes sociales ?

Sensibiliser les victimes et former les enseignants

Depuis 1998, une loi britannique oblige les établissements scolaires à mettre en place des mesures de prévention contre le harcèlement assorties de sanctions (« anti-bullying policy »), ce qui n’est pas le cas en France. « Même si les textes sur la violence scolaire sont clairs, les pouvoirs publics ignorent le phénomène du harcèlement et sous-estiment la souffrance qu’il inflige aux victimes », déplore Jean-Pierre Bellon.

Le plus important est de briser la loi du silence. Plus de 20 % des élèves harcelés reconnaissent, en effet, ne jamais en parler. « Ce qui fait mal, c’est ce mutisme des enfants victimes, comme s’ils redoutaient qu’une intervention maladroite des adultes majore la situation, décrypte Jean-Pierre Bellon. Or il est essentiel que cette parole s’exprime auprès d’un interlocuteur, quel qu’il soit. » D’où l’importance de développer la réceptivité de tous les acteurs de l’école, mais aussi des parents d’élèves, et ceci, le plus précocement possible.

Mais ces actions demeureront des gouttes d’eau dans l’océan sans une décision politique définissant un plan d’ensemble de prévention. « Faut-il attendre que le harcèlement soit reconnu comme la cause directe de décès par suicide d’adolescents pour qu’on se décide à prendre le problème au sérieux ? » s’inquiètent les auteurs, qui appellent à la naissance d’un nouveau droit : « celui des élèves de se rendre à l’école sans y être importunés ».

Harcèlement et brimades entre élèves – La face cachée de la violence scolaire, J.-P. Bellon et B. Gardette (Coll. Le monde de l’enfant, Ed. Fabert, 2010)

Cf. Site créé par les auteurs : http://harcelement-entre-eleves.com où conseils, textes, etc.

A indiquer et proposer aux familles et élèves.

DEFINITION DU SCHOOL-BULLYING

L’expression school-bullying apparaît pour la première fois dans la littérature anglaise au milieu du XIX° siècle.

Etymologiquement, le terme renvoie aux coups répétés et violents donnés par les jeunes veaux à leurs congénères, pour jouer. Cette expression sera reprise à partir de la fin du XIX° siècle par les théoriciens de l’éducation et psychiatres pour parler de la maltraitance entre enfants.

Jacques Pain la traduit par « la malmenance » scolaire.

Selon Le Robert, le harcèlement est le fait de « soumettre sans répit à de petites attaques réitérées, à de rapides assauts incessants ». Cette définition correspond assez bien au bullying.

ETAT DES LIEUX

18% des élèves sont concernés (victimes et agresseurs confondus). Les victimes sont plus fréquentes en et les agresseurs en ; les garçons sont plus impliqués dans les faits de violence que les filles. Le harcèlement a le plus souvent lieu dans la cour, à la sortie du collège, dans certaines salles de cours.

Plus les élèves victimes ou témoins grandissent, moins ils se confient aux adultes (famille et adultes du collège), plus ils se confient à leurs amis.

Les victimes ont peu confiance dans l’institution pour résoudre le problème.

CARACTERISTIQUES DU SCHOOL-BULLYING

Caractéristiques :

1) Répétition : répétitivité et longue durée des actions négatives

2) Disproportion des forces : déséquilibre des forces, domination et abus de pouvoir, prise de pouvoir physique et/ou verbale

3) Volonté de nuire, de faire souffrir

4) Phénomène de groupe (presque toujours)

Relation triangulaire :

a) Harceleur(s) : un certain charisme, « petit(s) dur(s) », habile(s), intelligent(s), absence d’empathie à l’égard des victimes

b) Victime(s) : enfant(s) plus angoissé(s) que les autres, souvent seul(s) et isolé(s), vulnérable(s)

c) Pairs : spectateurs, participation directe/indirecte ; désapprobation

DIFFERENTES FORMES DE HARCELEMENT

Les brimades caractéristiques du school-bullying sont

les insultes,

les menaces,

l’ostracisme,

les jets de projectile,

les rumeurs sur l’élève et sur sa famille,

les coups,

les moqueries,

les surnoms,

les affaires détériorées,

les plaisanteries à caractère sexiste ou sexuel.

Par le biais des outils de communication actuels, le cyber-harcèlement (cyber-bullying) s’est développé. De plus, la maison n’est plus alors le lieu intime et privé qui protège.

HARCELEMENT ET AUTRES FORMES DE VIOLENCE

Bizutage, pratiques violentes, jeux dangereux, etc. induisent un climat violent dans les établissements scolaires.

DYNAMIQUE DU HARCELEMENT (pourquoi il fonctionne)

1) La loi du silence : peur de parler, crainte de la réaction de l’agresseur, peur des représailles, image de soi très négative (honte) ; ne pas transgresser le « code d’honneur adolescent » (« je ne suis pas une balance ! »).

2) L’invisible visibilité : micro-agressions visibles pour les autres élèves, (souvent) invisibles pour les adultes.

3) Le rire (place centrale dans le processus de harcèlement – « c’est pour rire ! ») : moqueries, surnoms et blagues – effet comique des répétitions. Manipulation du groupe, complicité par une adhésion spontanée par le rire.

4) La résignation de la victime : domination essentiellement psychologique – l’identité de la personne est menacée, voire détruite.

CONSEQUENCES

Pour l’élève harcelé (détresse scolaire et psychologique) :

 Mal-être, dévalorisation, image négative, voire agressive renvoyée

 Sentiment d’insécurité

 Baisse des résultats scolaires

 Redoublement

 Absentéisme

 Changement d’établissement

 Réorientation

 Culpabilisation

 Sentiment de honte

 Etat dépressif ou dépression (trouble du sommeil, perte de l’appétit, anxiété…

 Rupture de sociabilité

 Tentative de suicide ou suicide

 Phobie sociale

 Effritement moral ; construction personnelle amputée

Pour l’élève harceleur :

 Baisse des résultats scolaires

 Angoisse

 Incertitude

 Mal-être

 Absence d’empathie

 Insatisfaction relationnelle

 Insensibilité (perversité narcissique)

 Délinquance

Pour l’école :

 Loi du plus fort

 Loi du silence

 Non-assistance à personne en danger

DU COTE DES HARCELEURS

Il faut dire non à temps : « Le harcèlement prospère là où la parole de l’adulte est absente, défaillante ou impuissante » (p.102). Cf. Sa Majesté des mouches, W. Golding.

Le harcèlement est un phénomène de groupe et « reste fondamentalement un problème d’éducation » (p.107) – les parents tout d’abord, les autres adultes ensuite.

ELEVES TEMOINS DU HARCELEMENT

Le rire (provoqué par la moquerie, la blague, le ridicule…aux dépens de l’élève harcelé) est un élément fédérateur. Au contraire, ne pas rire peut provoquer une exclusion du groupe.

A l’adolescence, il y a un grand souci de la norme et une quête de la normalité ; ainsi, les écarts à la norme formée par le groupe provoquent une certaine forme d’intolérance.

C’est pourquoi, il est impératif de former les pairs en leur proposant des séances de formation où l’on questionne les mécanismes de groupe.

DESARROI DES FAMILLES

Les parents des victimes ressentent souvent un très fort sentiment de culpabilité. Ils se sentent incompris par certains responsables éducatifs, parfois maladroits.

Comment est-on certain qu’il s’agit bien de harcèlement ? Il convient de se questionner sur les enfants qui sont dans une situation durable d’isolement.

REACTIONS INAPPROPRIEES

Il faut faire attention aux réponses « piratées » : attitudes ou stratégies adoptées par les personnels qui sont détournées de leur but par les agresseurs à des fins de harcèlement (classement des copies, compliments répétés à certains élèves…. Il est souhaitable que les enseignants adoptent une approche politique de leur classe, qui intègre la nature des relations entre les élèves.

Le harcèlement peut naître dans un contexte de fragilités pédagogiques et expérimentations incertaines (professeur inexpérimenté, démarches pédagogiques maladroites par un choix de textes inappropriés, plaisanteries autorisées en classe… qui peuvent entraîner des complicités involontaires.

Des erreurs institutionnelles peuvent avoir lieu à cause de la précipitation, du manque de temps, d’une perte de bon sens, d’une incompréhension mutuelle, d’une suspicion à l’encontre de la victime.

POLITIQUES DE PREVENTION : DIFFERENTES APPROCHES ETRANGERES

Des expériences de lutte contre la violence scolaire :

Campagne de prévention en Norvège : questionnaire pour élèves, outils de formation des enseignants, sensibilisation des parents d’élèves

En Grande-Bretagne, distribution d’un pack anti-bullying : « Don’t suffer in Silence » – guide théorique et vidéos, règlement anti-harcèlement (anti-bullying policy) rédigé par chaque établissement.

Méthode d’Anatole Pikas (the Shared Concern method – SCm: méthode d’intérêts communs): s’entretenir avec chaque élève, faire émerger des solutions en commun…

En Espagne, développement de l’assertivité (capacité à exprimer et à défendre ses droits) et celui de l’empathie

En Colombie britannique (province canadienne), guide « Plein feux sur le harcèlement et l’intimidation » : ressource destinée aux établissements scolaires secondaires, gérée par un comité dans chaque établissement, présentant un protocole précis d’intervention

AGIR POUR PREVENIR

Construire des méthodes d’intervention sur le harcèlement à l’école :

Découvrir : informer (témoignages, études de cas)

Débattre : recueillir les opinions

Expliquer : présenter les caractéristiques principales du harcèlement, la dynamique et les conséquences sur les victimes

Les dispositifs de lutte contre le doivent figurer dans le projet d’établissement, dans le règlement intérieur.

Le CESC est l’instance privilégiée pour élaborer une stratégie concertée contre le harcèlement.

L’heure de vie de classe peut être un espace de prévention, ainsi que la formation des délégués.

DIFFERENTS ACTEURS DE LA PREVENTION

Les CPE

Les assistants d’éducation

Les enseignants, toutes disciplines confondues – les dispositifs institutionnels de formation devraient fournir une « trousse de premiers secours » à ce sujet

Les parents d’élèves

PROTOCOLE D’INTERVENTION ANTI-HARCELEMENT

Définir une charte rappelant les valeurs fondatrices de l’école (respect absolu des personnes en particulier)

Informer tous les acteurs de l’école pour leur permettre de signaler rapidement tous les cas de harcèlement = tous les adultes de l’établissement, les parents, les élèves

Soutenir la victime et rappeler la loi = les CPE, les PP, le personnel de santé, la direction

Sanctionner = les CPE, la direction, le conseil de discipline

Assurer un suivi = les CPE et surveillants, le PP, les professeurs, les délégués de classe

CONCLUSION

CINQ PROPOSITIONS POUR UNE POLITIQUE NATIONALE DE PREVENTION DU HARCELEMENT ENTRE ELEVES

1) Reconnaître le harcèlement

2) Former les personnels

3) Sensibiliser les élèves

4) Soutenir les parents d’élèves

5) Faciliter l’élaboration et la diffusion d’outils pédagogiques appropriés