Enfants «influenceurs» : la loi encadrant leur travail
écrit par Cyberbase
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Bienvenue dans un univers d’enfants-acteurs nouvelle génération, de publicités et de contenus purement Kardashianesques. Un nouveau monde étrange, où règnent les marques personnelles d’enfants, les mamans-imprésarios et les médias sociaux.
Une zone grise située entre entrepreneuriat et exploitation, grâce à laquelle des parents et des agents génèrent des centaines de milliers, voire des millions d’euros grâce à des enfants.
Un drôle de monde.
Les enfants-acteurs existent depuis Charlie Chaplin, qui a fait jouer Jackie Coogan (qui, par ailleurs, est à l’origine de la Coogan Law, une loi américaine empêchant les parents de dilapider entièrement les revenus de leurs enfants-acteurs).
Une activité lucrative
L’époque est désormais aux enfants-influenceurs, avec par exemple cet enfant de 7 ans qui gagne 22 millions de dollars sur YouTube en évaluant des jouets et en créant sa propre ligne avec l’enseigne américaine Walmart ; ces jumelles de 3 ans comptant 4 millions de followers Instagram et surfant sur cette popularité pour créer une ligne de vêtements chez Target ; ou encore cette petite fille de 7 ans qui fait la promotion de vêtements de danse auprès de ses 5 millions de followers.
Tous sont considérés comme influenceurs, acteurs et célébrités, et aidés par leurs parents et par des agents qui ont le sens des affaires et qui manient les réseaux avec brio.
79 % des parents laissent leurs enfants de moins de 11 ans regarder des vidéos sur YouTube et 56 % des enfants se créent un compte sur les réseaux sociaux avant l’âge de 12 ans, bien que des recherches prouvent que les enfants commencent maintenant à surfer sur Internet dès l’âge de deux ans (Social Media Week).
Un phénomène planétaire
En mai 2018, le magazine d’investigation Envoyé Spécial a consacré un dossier aux enfants influenceurs. Filmés par leurs parents et mis en scène sur internet, ils sont les nouvelles icônes du web. Des bambins devenus stars malgré eux !
Test de jouets, visites de parcs d’attraction ou dégustation de fast-food : le quotidien des enfants influenceurs est filmé par leurs parents. Mises en ligne le plus souvent sur Youtube, ces vidéos ludiques séduisent les plus jeunes. Résultat ? Une forte audience et des revenus publicitaires qui laissent pantois !
Ce que dit la loi
La législation a d’abord ignoré le phénomène des enfants influenceurs, faisant d’internet une « zone grise » pour le travail des plus jeunes. Mais la loi du 19 octobre 2020 a comblé ce vide juridique. Un soulagement pour les associations de protection de l’enfance !
Une autorisation administrative
La loi considère désormais l’activité des enfants influenceurs comme un travail, au même titre que celui exercé par les enfants mannequins ou comédiens. Leurs parents ont donc l’obligation d’obtenir un agrément auprès de l’administration. Sésame indispensable pour pouvoir diffuser des vidéos de promotion en ligne !
Des revenus protégés
La loi prévoit également des garde-fous financiers pour les parents des enfants influenceurs. Ils doivent en effet déposer une partie des revenus perçus à la Caisse des dépôts et consignations. Une façon de préserver les gains des jeunes stars du web jusqu’à leur majorité.
Des horaires encadrés
Les enfants influenceurs bénéficient des dispositions protectrices du Code du travail. Par conséquent, leur durée d’activité ne doit pas excéder 2 jours par semaine en période scolaire. Avec une limite de 6 heures hebdomadaires pour les 6-11 ans.
Un « droit à l’oubli » pour les enfants
Pour les « zones grises d’internet », où la relation de travail n’est pas clairement établie, le texte prévoit une déclaration à partir d’un double seuil : de temps consacré par l’enfant aux vidéos et de revenus engrangés. Le texte instaure en outre un « droit à l’oubli » : sur demande des enfants concernés, les plateformes de vidéos se verront obligées de retirer les contenus.
Les plateformes de partage de vidéos seront incitées à adopter des chartes visant à améliorer la lutte contre l’exploitation commerciale illégale de l’image d’enfants de moins de 16 ans. Elles devront aussi favoriser l’information des utilisateurs sur la législation en vigueur, et signaler les éléments qui portent atteinte à la dignité, à l’intégrité physique ou morale des enfants.
Un système porteur de dérives
Parce qu’ils sont friands de vidéos mettant en scène de jeunes youtubeurs auxquels ils peuvent s’identifier, nos enfants sont une cible de choix pour les professionnels du marketing. D’où l’importance de les préserver d’un système porteur de dérives.
Une publicité déguisée
Derrière l’apparence positive de ces vidéos se cache bien souvent des stratégies publicitaires. Or les enfants n’ont pas conscience d’être exposés à une publicité déguisée lorsqu’ils visionnent une vidéo mettant en scène le quotidien d’un enfant de leur âge !
La promotion de la malbouffe
Marie Bragg, professeure de nutrition au New York Langone Medical Center, a conduit une étude portant sur 418 vidéos d’enfants influenceurs. 179 d’entre elles présentaient des produits alimentaires. Et dans 90 % des cas, il s’agissait de junk food. Une statistique qui atteste de la potentielle nocivité de contenus en apparence anodins !
Quelques conseils
Pour limiter l’influence grandissante de ces pratiques, comme le rappelle Olivier Duris, psychologue clinicien, il convient de ne pas laisser les enfants de moins de 10 ans seuls devant une chaîne de ce type.
N’hésitez pas également à regarder ces vidéos avec vos enfants et à en décrypter le contenu (quels sont les produits mis en avant ?)
L’essentiel
- Youtube est l’un des média préféré des 3-9 ans, Les vidéos mettant en scène des enfants influenceurs sont souvent très lucratives.
- Après des années de vide juridique, la loi du 19 octobre 2020 encadre désormais l’activité des enfants influenceurs.
- Les tout-petits ne perçoivent pas le caractère commercial des vidéos tournées par les enfants influenceurs.
Pour aller plus loin
Le web a récemment vu fleurir des vidéos mettant en scène des influenceurs virtuels ! Personnages fictifs trop parfaits pour être vrais…
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